Les principaux apports du Sénat dans le Pjl prorogeant l’état d’urgence sanitaire et complétant ses dispositions
I – Durée de la prorogation de l’état d’urgence sanitaire (article 1er)
Le texte initial du Gouvernement prévoyait une prolongation de l’état d’urgence sanitaire jusqu’au 23 juillet. Le Sénat a ramené cette durée au 10 juillet, durée également jugée pertinente par les députés.
II – Une responsabilité adaptée aux circonstances exceptionnelles (article 1er)
La question de la responsabilité préoccupait à juste titre de nombreux élus, chefs d’entreprises, responsables de la fonction publique, et bien d’autres. Si le Gouvernement affirmait que la jurisprudence était « stabilisée », cette formulation cachait mal les incertitudes liées à la nature parfois évolutive de celle-ci, tout particulièrement en des temps où des circonstances exceptionnelles bouleversent certaines normes.
Afin de remédier à cela, le Sénat avait adopté un amendement offrant une large protection à ceux qui seraient amenés à prendre des décisions sur le terrain dans le cadre du déconfinement. Malheureusement, cette rédaction n’a pas été retenue par le Gouvernement et l’Assemblée nationale, qui ont préféré une disposition vague, ce qui a même pu conduire certains à parler de « loi d’auto-amnistie » de responsables de l’État.
La solution de compromis finalement née de la CMP répond cependant à une bonne partie des exigences du Sénat. Elle insère dans le code de la santé publique une disposition définissant les conditions de mise en jeu et spécificités de l’appréciation de la responsabilité pénale en période d’état d’urgence sanitaire.
Plus précisément, elle permettra au juge d’appliquer l’article 121-3 du code pénal en tenant compte des « compétences, du pouvoir et des moyens dont disposait l’auteur des faits dans la situation de crise ». Grâce à cela, il sera possible d’ajuster la responsabilité aux pouvoirs réels de chacun : sera pris en compte le fait qu’en période d’état d’urgence sanitaire, les maires demeurent privés de l’essentiel de leur pouvoir de police général effectif, et ne sont chargés que de la mise en œuvre de décisions qui leur sont imposées.
Plus encore, le texte permet de prendre en compte « la nature de ses missions ou de ses fonctions, notamment en tant qu’autorité locale ou employeur », ce qui sera de nature à sécuriser davantage et plus explicitement encore les situations des élus locaux et des chefs d’entreprise – remplissant ainsi l’objectif originel du Sénat.
Les responsabilités de chacun demeureront donc entières, mais ne pourront pas être appréciées de la même façon selon que l’on décide ou que l’on exécute.
III - Quarantaines : un dispositif plus mesuré, avec des garanties plus fortes pour les droits des personnes (articles 2 à 4 bis)
Le Sénat, à l’initiative de sa commission des lois, a corrigé et amélioré une bonne partie des mesures par lesquelles le Gouvernement proposait d’adapter la réglementation des déplacements, des transports, de l’ouverture d’établissement, mais aussi et surtout de quarantaine et de mise à l’isolement.
Les sénateurs ont en particulier voulu renforcer les garanties dont disposaient les personnes en quarantaine et la mise à l’isolement.
Ces mesures constituent des atteintes nécessaires à la liberté d’aller et de venir : à ce titre, elles doivent néanmoins faire l’objet d’un encadrement rigoureux. Et les députés ont reconnu la qualité du travail sénatorial en la matière, conservant l’essentiel des dispositions sur cette problématique telles qu’elles ont été votées par la Haute assemblée.
En particulier, le Sénat s’est assuré que :
• tous les Français se verront appliquer le même principe à l’arrivée en France, mais aussi en ou depuis l’outre-mer ;
• la personne en quarantaine aura le libre choix de son lieu de quarantaine : elle pourra choisir de la passer à son domicile ou dans des lieux d’hébergements adaptés ;
• les personnes en quarantaine bénéficieront de garanties renforcées en matière de droit du travail, interdisant la suspension du contrat de travail et maintenant les droits à la participation et à l’intéressement ;
• le texte prévoit une extension au-delà du régime de l’état d’urgence sanitaire vers le droit commun des garanties offertes aux personnes en quarantaine ;
• une protection plus forte des victimes des violences conjugales en situation de quarantaine soit assurée.
IV - Le système d’information : un équilibrage entre opérationnalité du système et protection plus exigeante des données (article 6)
Le Gouvernement a proposé dans son texte la création d’un système de partage de certaines données traitées par les systèmes employés dans la lutte contre le covid-19. Un tel système fonctionne nécessairement sur la base d’une dérogation au secret médical, et implique l’usage de données sensibles par le service public de l’assurance maladie. A ce titre, il nécessitait un encadrement strict.
Telle était la position du Sénat. La commission des lois du Sénat, à la suite du Conseil d’État, a « reconnu la pertinence de la démarche », mais a estimé nécessaire de modifier la « balance entre intérêt des fichiers et préservation des libertés ». Car toute la difficulté d’un tel système est d’assurer un fragile équilibre entre intérêt sanitaire et maîtrise des données personnelles.
Dès lors, il est heureux qu’au moment de l’examen en commission mixte paritaire, les « 6 garanties » du Sénat ont été préservées :
une délimitation stricte des données qui seront utilisées dans ce système. Celles-ci ne pourront comprendre que le statut virologique ou sérologique des personnes ;
la possibilité pour les personnes d’exercer des droits d’accès, d’information, d’opposition et de rectification lorsque leurs données sont collectées ;
la suppression du renvoi à une ordonnance pour la mise en œuvre de ce dispositif ;
l’existence d’un avis conforme de la CNIL pour les décrets mettant en œuvre ce dispositif ;
la garantie que cette loi ne sera pas détournée pour servir de base à une application de type « stop covid » ;
la création d’un comité de contrôle et de liaison sur le traitement des données personnelles, tel que cela a été recommandé par le comité scientifique.
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