Mon intervention lors de la Commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat

Mercredi 29 septembre, la Commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat a réalisé l’audition d’associations représentant les victimes de l’accident de l’usine Lubrizol intervenu le 26 septembre 2019 à Rouen.

Deux ans après l’accident majeur de Lubrizol, l’objectif est d’évaluer si les préconisations de la commission d’enquête du Sénat ont bien été mises en œuvre par le Gouvernement et les différents acteurs impliqués.

La commission a donc reçu les associations représentants les victimes de l’accident de Rouen et des organismes spécialisés dans la maîtrise des risques technologiques et la surveillance de la qualité de l’air pour un temps d’échanges, avant d’accueillir la ministre de la transition écologique pour tirer un bilan de l’action du Gouvernement sur ce dossier.

A cette occasion, j’ai souhaité poser une question aux organismes nationaux et à la ministre présente en ces termes :

« L’excellent rapport de la commission d’enquête sénatoriale remis en juin 2020 à la suite de l’incendie de l’usine Lubrizol a fait apparaître que notre organisation de la gestion de crise était inadaptée aux risques industriels et technologiques majeurs.

Le rapport constatait, notamment, que la réglementation et les contrôles auxquels étaient soumises les entreprises classées SEVESO haut étaient insuffisants au regard des risques pris par certaines d’entre elles.

C’est ainsi que les dirigeants de Lubrizol étaient alertés depuis 2014 par les rapports de risques établis annuellement par leur assureur sur les failles de leur dispositif anti-incendie, mais ils n’avaient pas estimé utile de réagir car leurs équipements étaient, au jour de l’incendie, conformes à la réglementation en vigueur !

Le rapport soulignait, non seulement, l’insuffisance des contrôles de l’administration, mais aussi la mauvaise information des pouvoirs publics sur les produits stockés et leur quantité.

Ainsi, le plan de prévention des risques technologiques (PPRT) validé par le préfet ne pouvait pas être efficace puisque établi sur une information tronquée.

Depuis la publication du rapport, le gouvernement a renforcé la réglementation, notamment sur les deux points relevés par la commission d’enquête : obligation pour les exploitants des sites SEVESO de mettre à disposition de l’administration les rapports des assureurs ainsi que de lui fournir un inventaire quotidien des produits dangereux.

Ceci constitue un progrès indéniable dont il faut être légitimement satisfait.

Néanmoins, l’on peut rester inquiet si l’on considère le nombre de sites SEVESO haut implantés dans des zones urbaines ou péri-urbaines, comme à Rouen. Certes, les PPRT, institués par la loi « Risques » du 30 juillet 2003, à la suite de la catastrophe AZF à Toulouse, permettent de réglementer les situations en matière d’urbanisme héritées du passé, et certes, aucun nouveau site classé Seveso ne s’installe en zone urbaine ou péri-urbaine.

Mais il semble, pourtant, que des usines qui, de prime abord, ne sont pas classées Seveso, installées en zone urbaine ou péri-urbaine, ont eu l’autorisation de compléter leur activité classique par des activités les faisant entrer dans la classification Seveso : il s’agit, notamment, d’usines à ciment qui, pour faire tourner leurs fours en permanence, y brûlent la nuit des déchets hautement toxiques.

Il semble, en outre, que chaque avancée législative ou réglementaire fait suite à une catastrophe : SEVESO, AZF, Lubrizol… et qu’aucune, finalement, ne soit réellement efficace en matière de prévention des risques

Par conséquent, afin de réduire ces risques de manière significative, ne serait-il pas opportun de légiférer efficacement, il faut l’espérer, afin d’une part :
- Interdire et même revoir l’extension d’une activité de type Seveso lorsque l’établissement en cause se trouve en zone urbaine ou péri-urbaine,
- Adapter les règles de l’urbanisme afin de permettre aux communes ou aux intercommunalités d’interdire l’installation de sites Seveso sur leur territoire ?
- Enfin, afin de permettre une surveillance effective des sites sensibles existants, ne serait-il pas opportun, comme le préconisait une proposition de loi issue de l’assemblée Nationale, de créer, à l’instar de l’autorité de sûreté nucléaire, une autorité indépendante, dédiée à la surveillance des sites SEVESO et à leur respect de la réglementation ? »