Lors de la séance du mardi 11 septembre 2012, François CALVET, Sénateur des Pyrénées-Orientales, porte-parole du Groupe UMP au Sénat sur les questions relatives au logement, est intervenu sur le projet de loi relatif à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social en ces termes :
Pourquoi nous ne pouvons pas adopter ce texte ?
1/ SUR LA FORME : l’absence de respect pour le travail du Sénat
Le Gouvernement avait notamment justifié l’abrogation de la Loi du 29 mars 2012 sur la majoration des droits à construire, par le fait que cette loi n’avait donné lieu qu’à un simulacre de concertation et qu’elle avait été adoptée dans la précipitation. Aujourd’hui, nous pouvons retourner le compliment au Gouvernement à propos du projet de loi de mobilisation du foncier public et de renforcement des obligations de production de logement social.
Le texte qui nous est proposé a été inscrit au Sénat dans la plus grande précipitation. Aucun travail préparatoire sérieux des commissions n’a pu être effectué, ni aucun respect des délais d’amendements.
Ce texte a été présenté à notre commission des Affaires Economiques ce matin pour une discussion qui démarre l’après-midi même. Une proposition de loi de 17 articles sur la stratégie foncière publique en faveur du logement a même été rajoutée en dernière minute à l’ordre du jour.
Le Gouvernement préfère informer les journalistes plutôt que le Parlement : le 3 septembre dernier, le quotidien Le Parisien annonçait dans ses colonnes qu’il avait obtenu une copie du texte en exclusivité.
On peut s’interroger sur cette précipitation soudaine qui justifie la session extraordinaire quand on sait que les décisions qui seront prises ne pourront produire d’effets concrets avant 24 mois minimum.
En réalité, contrairement à ce qu’annonce ce Gouvernement, le changement n’est donc pas dans la méthode et vous avouerez que les modalités d’examen de ces deux textes n’ont rien de normal.
2/ SUR LE FOND : une politique de la carotte mais surtout du bâton
Le Gouvernement annonce l’ambition de réaliser 150 000 logements sociaux par an ; C’est un vrai changement car sous le Gouvernement Jospin, dans une période de croissance, seulement 40 000 logements sociaux par an ont été construits.
Sous le Gouvernement Fillon, entre 120 000 et 130 000 logements par an ont été construits dans une période de crise.
Reste que l’objectif global fixé par le Gouvernement de création de 500 000 logements au total fait apparaître la nécessité de production par le secteur privé de 350 000 logements par an.
Les professionnels ont fait connaître leur scepticisme sur cet objectif. Il faut rappeler que pour l’année 2012, nous ne devrions pas dépasser 310 000 logements et les reculs de mise en chantier constatés sur les premiers mois de l’année de 20 % n’arrangeront pas nos affaires.
En fait, pour répondre à cette attente forte en matière de logements des Français, le Gouvernement propose une politique de la carotte et du bâton : accroître l’offre foncière mais surtout mettre lourdement à contribution les collectivités territoriales, motivées une forte augmentation des pénalités en cas de non respect des obligations de constructions de logements sociaux.
TITRE 1
Le texte propose d’une part la gratuité des terrains et de ses établissements publics. C’est un choix de la part de l’Etat de se priver de recettes en période de disette budgétaire. Les Echos du 6 septembre dernier notaient que ces cessions gratuites risquaient de se heurter aux réticences des ministères et notamment de Bercy.
L’article 2 consacre dans les mêmes conditions la cession du foncier des établissements publics de l’Etat comme RFF, la SNCF, l’Assistance Publique ou les Voies Navigables. Ces établissements vont les priver de recettes exceptionnelles, alors que certains sont très endettés.
Ainsi, la vente des délaissés ferroviaires aurait rapporté entre 2009 et 2011 entre 100 et 156 millions par an à Réseau Ferré de France.
L’endettement de RFF progressant de 1 milliard par an, est-il pertinent de lui imposer la cession gratuite de son foncier.
TITRE 2
La cession de ce foncier public pour environ 2000 hectares devrait permettre la réalisation de 110 000 logements sociaux d’ici 2016, ce qui fait 36 600 logements par an dès lors que le premier logement ne pourra pas être comptabilisé avant 2013. Nous sommes loin de l’objectif des 150 000 logements sociaux par an!
En relevant le seuil à 25 % de logements sociaux par communes, le Gouvernement sait très bien que très peu d’entre elles pourront atteindre cet objectif.
Le bilan de la loi SRU, c’est moins de 50 communes qui auraient pu rattraper le taux de 20 % depuis 2001, pour celles qui ne disposaient pas encore des 20 % de logements sociaux en 2000.
Dans les exemples qui sont données dans l’étude d’impact, on réalise que sur les 12 prochaines années, la construction des logements sociaux devra représenter près de 60 % ou parfois même 100 % de la production totale des résidences principales. Ou sera la mixité, objectif essentiel de la loi ? N’aurons nous pas de nouveaux ghettos sociaux ?
Les moyens financiers ne seront pas non plus au rendez-vous car ce ne sont pas les 120 millions envisagés qui seront suffisants pour répondre aux besoins de financement annuel des collectivités locales.
A titre d’exemple, l’agglomération de Perpignan, dans ce cadre, devra construire 18 000 logements locatifs sociaux en 12 ans. Il faudra donc que l’Etat verse 50 millions d’aides directes.
Il faut ajouter, et le texte n’en parle pas, que nos collectivités ne vont pas pouvoir continuer à garantir les prêts qu’octroie la Caisse des Dépôts et Consignations pour ces opérations même si celles-ci ne rentrent pas aujourd’hui dans les ratios galants.
En multipliant par 5 le prélèvement sur une commune faisant l’objet d’un arrêté de carence en logement social et en relevant le plafond de l’amende à 10 % des dépenses de fonctionnement d’une commune, ce dispositif aboutir à créer un nouvel impôt et même une double imposition sur les collectivités. C’est le contribuable qui paiera car les collectivités ne pourront pas faire face à une amputation de 10 % de leur budget de fonctionnement.
C’est en fait le Préfet qui va assurer pour le compte de l’Etat le contrôle du rendement de ce nouvel impôt.
Ce nouvel impôt ira au budget de l’Etat puisque la partie des pénalités de 20% à 25 % ira à un fonds national pour le développement de l’offre de logements locatifs sociaux.
Pourquoi ne pas reverser l’intégralité des pénalités SRU aux EPCI actifs en matière de logements ?
CONCLUSION : Les propositions du Groupe UMP
Le Groupement UMP a quelques propositions pour adoucir cette potion amère que vous proposez aux maires. Nous souhaitons que les logements ayant une fonction sociale soient comptabilisés dans les 25 %. C’est le cas des hébergements d’urgence qui sont supprimés par, ce texte, c’est le cas des places prévues pour les gens du voyage, c’est le cas pour l’accession sociale à la propriété.
Il convient par ailleurs de prendre en compte la montée en puissance des EPCI en matière d’habitat, compétence obligatoire pour les communautés d’agglomération et pour les communautés urbaines qui les a conduit à se doter d’outils de coordination et de politique d’aménagement intégrant la production de logements.
En réalité, la loi devrait tenir compte de la mutualisation des obligations de production de logements sociaux au niveau intercommunal.
Bien sûr, il est plus efficace en termes de communication, d’annoncer l’augmentation de 5 % du nombre de logements sociaux, la multiplication par 5 de pénalités par les communes et la réalisation de ces logements d’ici 5 ans.
Ce texte laisse de côté les vrais problèmes rencontrés par les collectivités et matière d’urbanisme et de logements
Comment en rayer la multiplication des recours contre les permis de construire ?
Comment faire revenir les investisseurs institutionnels ?
Comment relancer l’investissement locatif privé qui représente 50 % de la construction ?
Une loi juste n’est pas celle qui a son effet sur tous, mais celle qui est faite pour tous. Ce n’est pas le cas de ce projet de loi.
Dans ces conditions, le Groupe UMP, ne votera pas ce texte.