Le point sur l'autonomie fiscale des collectivités locales

 Un principe d’autonomie...

En application de l'article 72-2 de la Constitution, les recettes fiscales et les autres ressources propres des collectivités territoriales représentent, pour chaque catégorie de collectivités, une part déterminante de l'ensemble de leurs ressources.

Les collectivités locales ont bénéficié pendant longtemps d’une autonomie fiscale importante car leurs ressources principales, les quatre contributions directes (taxe professionnelle, taxe d’habitation et taxes foncières sur le bâti et le non-bâti), avaient une assiette territorialisée et des taux fixés librement depuis la loi de 1980 avec un double encadrement : le plafonnement des taux pour limiter les disparités entre collectivités et le lien entre les variations des taux pour limiter les distorsions entre contribuables.

 … battu en brèche :
 L’État a d’abord réduit cette autonomie fiscale par une succession de réformes :
- Sous la présidence Sarkozy en 2010, la taxe professionnelle a été supprimée et remplacée par la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) à taux fixé nationalement, et par la cotisation foncière des entreprises (CFE), toutes deux complétées par des compensations.

Cette mesure a provoqué une perte de pouvoir fiscal local renforcée par la chute du pouvoir de taux des régions (perte des impôts ménages), ainsi que celui des départements (perte de la taxe d’habitation).

En 2018, la part des impôts locaux avec pouvoir de taux dans les recettes de fonctionnement était de 52% pour les communes, de 58% pour les départements et seulement de 16% pour les régions.

- Sous la présidence Macron, il a été décidé de supprimer la taxe d’habitation sur les résidences principales : d’abord pour 80% des ménages étalée en trois ans (2018-2020), puis pour 20% des foyers restant, également sur trois ans (2021-2023).

La perte de la taxe d’habitation a été compensée par le transfert aux communes de la part départementale de la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB), et par l’attribution d’une part de TVA aux groupements et aux départements.

Le remplacement d’un impôt à pouvoir de taux pour les départements (TFPB) et les groupements (TH) par la TVA sans assiette locale ni pouvoir de taux signifie une perte de pouvoir fiscal et de lien fiscal avec le territoire.

- La loi de finances pour 2021, en réduisant les impôts de production, a prolongé la suppression de la taxe professionnelle : réduction de la valeur locative de la CFE et de la TFPB pour les établissements industriels, avec compensation par une dotation.

Ces réformes ont modifié puis supprimé des impôts locaux en les remplaçant par des dotations impôts nationaux partagés.  Il est clair que l’État souhaite centraliser le pouvoir fiscal à son profit.

« Ce que veut l’État au fond, c’est la suppression de la fiscalité locale », s’indigne Philippe Laurent (AMF)

On pourrait s’étonner qu’à la suite de ces mesures, le ratio officiel d’autonomie financière (fiscalité « propre » + redevances et cessions / ressources non empruntées) n’ait pas diminué par rapport au niveau de référence de 2003 (secteur communal 60,8%, départements 58,6%, régions 41,7%). Mais, en réalité, cette autonomie repose sur un trompe l’œil depuis que la loi organique de 2004 permet à l’État de transférer une ressource « propre » sur laquelle les collectivités n’ont aucun pouvoir, ni sur l’assiette, ni sur le taux. La garantie constitutionnelle de l’autonomie financière n’est plus qu’une façade.

 Le 2ème objectif de l’État : la réduction et l’encadrement des dépenses locales :

- En 2018, les contrats dits « de Cahors » plafonnent la croissance des dépenses locales.
Il s’agit de contrats de 3 ans entre l’État et les 322 plus grandes collectivités locales (Régions, départements, EPCI et communes qui ont un budget supérieur à 60 M€) qui incluent une norme d’évolution des dépenses de fonctionnement en fonction d’un objectif national (1,2% par an de 2018 à 2022) pour consolider l’autofinancement et pour réduire les dépenses publiques et les déficits publics.

- Le PLF 2023 prévoit un « Cahors 2 », nommé « pacte de confiance » pour les 500 plus grandes collectivités.
Ce pacte de confiance était initialement prévu dans le Projet de Loi de Programmation des Finances Publiques 2023-2027 à l’article 23. Il a été supprimé de manière unanime par les députés et le Sénat en novembre, mais a été réintroduit par le gouvernement dans le PLF à la faveur du 49-3 dans l’art 40 quater.
En fait, toutes les collectivités locales sont concernées car elles jouent le rôle de caution solidaire de celles qui n’auraient pas respecté leur engagement.

Réactions du Sénat :
Le Sénat est d’accord pour tenir l’objectif de réduction des dépenses de fonctionnement des collectivités en revenant sous le seuil de 3 % de déficit public en 2027, (objectif du gouvernement), mais il refuse le système de surveillance et de sanctions des dépenses des collectivités.  En conséquence, la commission des finances du Sénat a voté le 27 octobre la suppression de l’article 23.

Réponse du gouvernement :
- Si le Sénat accepte un accord de principe sur la PLPFP 2023-2027, le gouvernement retirera l’article 23….
- La DGF a été augmentée de 320 millions d’euros,
- Un filet de sécurité a été prévu pour 2022 (430 millions d’euros) et pour 2023 (1,5 milliard) pour aider les exécutifs locaux à faire face aux dépenses exceptionnelles, notamment énergétiques.
- Effets positifs de l’inflation sur les finances des collectivités locales :
Maintien de l’indexation de la taxe foncière sur l’inflation (+7%), recettes de TVA des collectivités locales : +5%.

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Fiche synthétique sur l’autonomie fiscale des collectivités territoriales


Dates à retenir :

- 2010 (PLF) : Suppression de la taxe professionnelle.
              - Création de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE)
     - Création de la cotisation foncière des entreprises (CFE)
                Les 2 cotisations sont complétées par des compensations.

- 2021 (PLF) : Réduction des impôts de production :
             - Réduction de la valeur locative de la CFE pour toutes les entreprises
             - Réduction de la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) pour       les   établissements industriels.
               Compensation par une dotation.

- Loi de programmation 2018/2022 : Contrats de Cahors
  Concerne les 322 collectivités locales dont le budget est supérieur à 60 M€
  Objectif : augmentation annuelle des dépenses de fonctionnement limitée à   1,2%. Précision : les contrats ont été suspendus pendant la crise sanitaire.

- 2023 : - Disparition complète de la taxe d’habitation sur les résidences principales.
      - PLF 2023 : art 23 : « pacte de confiance » (Cahors 2) pour les 500         plus grandes collectivités. Le Sénat ne s’oppose pas aux économies         mais à ce système coercitif et punitif,
      - Diminution de la moitié de la CVAE (- 4 Milliards d’euros)          Compensation par une fraction de TVA

- 2024 : Disparition totale de la CVAE. (- 4 Milliards d’euros restant, compensés par une nouvelle fraction de TVA).


Les chiffres et mesures  PLF 2023 à retenir :

- Le « Pacte de confiance » (Cahors 2) exige 15 milliards d’euros d’économies d’ici 2027 aux 500 plus grandes collectivités,

- Le Gouvernement augmente de 320 millions d’euros la DGF en 2023 (1ère fois depuis 13 ans). En fait, seulement + 1,5% face à une inflation bien supérieure.
DGF 2023 = 26,93 milliards d’euros.
DGF 2018 : 26,96
DGF 2019 : 26, 95
DGF 2007 : 39,25

- Le « filet de sécurité » face à l’inflation : le gouvernement a octroyé 430 millions d’euros pour 2022 aux exécutifs locaux et 1,5 milliard d’euros pour 2023 (notamment pour les dépenses énergétiques) Cf. ci-dessous bouclier énergétique : 

- Tarifs réglementés de l’électricité pour les petites collectivités avec moins de 10 employés   et moins de 2 millions d’euros de recettes. Devait concerner 22 000 communes sur 35 000 (63 %) mais en réalité, moins de 9 000 communes (25 %) cf. audition au Sénat le 26 septembre du Ministre des comptes publics…

Bouclier énergétique : dotation réservée aux collectivités locales les moins favorisées qui auront subi une perte d’épargne brute d’au moins 25% en 2023 et dont la hausse des dépenses d’énergie sera supérieure à 60% de la progression des recettes réelles de fonctionnement. Montant de la dotation : 50% de la différence entre la progression des dépenses d’énergie et 60 % de la hausse des recettes de fonctionnement. Coût : 1,5 milliard d’euros.

En ce qui concerne les régions et départements :
- Baisse des dotations de compensation : 50 millions d’euros en 2022, 45 millions d’euros en 2023.
- Forte hausse de la TVA des régions : + 410 millions d’euros entre 2018 (4,12 milliards d’euros) et 2023 (5,09 milliards d’euros).

Soutien de l’investissement public local :
- Dotation de soutien à l’investissement local (DSIL) : passe de 540 millions   d’euros à 577 millions.
- Dotation d’équipement aux territoires ruraux (DETR) : montant stable : 1 milliard d’euros.
- Dotation politique de la ville (DPV) : stable : 150 millions d’euros.

Péréquation verticale : hausse de la DSU et DSR : + 90 millions d’euros

Taxe foncière : maintien de son indexation sur l’inflation = + 7%