Conférence de François de Closets sur l'orthographe

François DE CLOSETS, vendredi 20 novembre dernier, a début son intervention en précisant que si une conférence sur l'orthographe dans le cadre de la "Fête de la Science" pouvait paraître décalée, il n'en est rien car l'orthographe était en fait directement liée à l'évolution de la technologie.

Elle a été conçue par des érudits au XVe siècle, époque où elle était uniquement pratiquée et encore avec une grande liberté par un petit groupe de gens instruits.

Au hasard de l'histoire, elle est devenue l'écriture de tout un peuple sans avoir été adaptée à ce nouveau destin. Une orthographe élitiste à vocation populaire, voilà le grand défi du français. Pour le relever, notre pays a placé l'orthographe au centre de son enseignement et de sa culture, en a fait le ciment de l'identité nationale.

Le système a bien fonctionné pendant deux siècles. En dépit de ce fardeau orthographique, les Français pouvaient accéder à tous les savoirs du monde moderne. Dès lors, à quoi bon s'imposer une simplification.

Aujourd'hui ce modèle est entré dans une crise irréversible. Les jeunes générations ne parviennent plus à apprendre l'orthographe. Les Français s'en éloigneront à mesure que les correcteurs automatiques possèderont le savoir qui leur fait défaut. Le scripteur verra ses erreurs rectifiées sitôt qu'il les fera. Le "zéro faute" sera mis à la charge de la machine.

Comme des millions de Français, François de CLOSETS a souffert de l'orthographe tout au long de sa vie. Il lui a consacré un temps et une attention démesurés pour des résultats médiocres. Le dictionnaire a été sa bouée de secours, mais il ne se réjouit pas de le voir remplacé par une machine qui ferait tout le travail à notre place.

François de CLOSETS ne peut admettre que nos enfants utilisent sans la connaître notre magnifique langue. Ce sera pourtant malheureusement le prix à payer pour près de deux siècles d'immobilisme orthographique.

Le XIXe siècle a figé, à l'égal d'une langue morte, une langue qui aurait dû évoluer vers plus de simplicité pour assumer son destin populaire.

La grande mutation de notre langue se déroule sous nos yeux dans l'incompréhension générale. Les nouvelles technologies qui font de l'écriture le moyen de communication privilégié du XXIe siècle condamnent le statut traditionnel de l'orthographe dans notre culture.

La dictée n'est plus la même à l'heure du SMS, mais entre l'intégrisme des uns (certains écrivains ou académiciens) et le laxisme des autres, la fossilisation de l'écrit et le dérapage de l'oral, les Français risquent de manquer la chance d'un renouveau linguistique.

Le XXIe siècle sera celui de l'écrit. Internet, SMS, blogs, courriels : notre environnement technique repose sur une nouvelle écriture, électronique, fluide, mais les jeunes accrocs du clavier connaissent de moins en moins bien l'orthographe. Cette évolution est-elle irrémédiable ? Annonce t-elle une anarchie graphique généralisée ? Certainement pas : l'imprimerie avait fixé l'orthographe, l'informatique va la libérer.

Pour peu que nous apprenions à bien utiliser les correcteurs électroniques, nous pourrons mieux connaître notre langue et faire moins de fautes. Il faut aimer le français avec passion et l'orthographe avec raison.