Réforme de la Garde à Vue
► Pourquoi fallait-il réformer la garde à vue ?
1) Parce que la garde à vue à la française était presque hors-la-loi :
* la Cour européenne des droits de l’Homme a rappelé lors de l’affaire Medvedyev contre la France que la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme demandait à ce qu’une personne arrêtée soit aussitôt physiquement conduite devant une autorité judiciaire pour éviter toute dérive.
* le Conseil constitutionnel a estimé que la garde à vue n’apportait pas les garanties suffisantes pour assurer la défense de la personne gardée à vue et posait un ultimatum pour combler ce vide juridique avant le 1er juillet 2011.
* la Cour de Cassation a également constaté que certaines dispositions de la garde à vue ne respectaient pas totalement la Convention européenne des droits de l’Homme, notamment en ne garantissant pas à la personne en garde à vue le droit de garder le silence et d’être assistée par un avocat dès le début de la procédure.
2) Pour faire baisser le nombre de gardes à vue. Il y a eu près de 800 000 gardes à vue en 2009 ! C’est un chiffre considérable et en constante augmentation, preuve que la pratique de ce dispositif avait peu à peu rompu avec sa vocation initiale. Cette réforme doit permettre une baisse d’environ 300 000 gardes à vue par an.
► Quelles sont les grandes lignes de la réforme de la garde à vue ?
Les conditions de placement en garde à vue sont redéfinies et limitées :
* Le recours à la garde à vue est limité aux cas dans lesquels une peine d’emprisonnement est encourue.
* Par ailleurs, le projet de loi énonce clairement les critères pouvant justifier le placement d’un suspect en garde à vue : notamment pour l’empêcher de modifier des preuves, faire pression sur des témoins, revoir ses complices, disparaître etc.
* Une exception est prévue pour les personnes contrôlées au volant en état d’ivresse, qui donnent lieu actuellement à 170 000 gardes à vue par an. Elles ne subiront pas e garde à vue si un tiers digne de confiance vient les récupérer avant qu’elles ne soient placées en cellule de dégrisement.
Les droits de la personne gardée à vue sont renforcés :
* L’avocat jusqu’ici « taiseux » va pouvoir devenir « actif » : le suspect aura droit à l’assistance d’un avocat dès le début de la garde à vue. Le « délai de carence » laissera à l’avocat le temps d’arriver sur le lieu de l’audition. Il pourra désormais assister aux auditions et confrontations, poser des questions à la fin des entretiens et consulter certains documents de la procédure.
* La personne gardée à vue dispose d’un nouveau droit de garder le silence et aucune condamnation ne pourra être prononcée sur le seul fondement des déclarations faites sans avocat.
► Pourquoi l’audition libre a-t-elle été supprimée ?
L’audition libre devait permettre d’entendre initialement une personne suspectée sans devoir la placer pour cela directement en garde à vue, ce qui devait contribuer à baisser significativement le nombre de gardes à vue.
Toutefois, les députés ont choisi de supprimer l’audition libre parce qu’elle ne garantissait pas la reconnaissance des droits du suspect entendu. Cela aurait simplement « déplacé » les problèmes qui se posaient déjà pour la garde à vue vers l’audition libre, notamment en ce qui concerne l’absence de l’avocat.
► La loi ne prend-elle pas la défense des suspects au détriment des victimes ?
1) La loi s’efforce de trouver le juste équilibre entre les impératifs de sécurité et les droits de la personne. Il faut respecter à la fois la présomption d’innocence et la dignité des personnes ! Or, depuis quelques années, les conditions matérielles du placement en garde à vue et le recours trop fréquent aux fouilles à nu ont montré une atteinte aux droits des personnes, qui n’était plus acceptable. De plus, en l’absence d’un avocat, la pression exercée sur la gardé à vue pouvait pousser des innocents à s’accuser de délits qu’ils n’avaient pas commis.
2) Mais la loi prévoit aussi une meilleure prise en compte des droits de la victime, pas seulement de la personne placée en garde à vue ! Les députés UMP ont ajouté au texte initial le droit pour la victime d’être elle aussi assistée d’un avocat, en cas de confrontation avec une personne gardée à vue qui est elle-même assistée. L’avocat de la victime disposera des mêmes droits que l’avocat du gardé à vue.
► La présence de l’avocat en garde à vue ne va-t-elle pas perturber le travail de la police ?
La garde à vue constitue souvent un moment décisif dans une enquête. C’est pourquoi la loi veille à préserver les capacités d’enquête des forces de l’ordre.
Si l’officier de police judicaire estime que l’avocat « perturbe gravement » le bon déroulement d’une audition ou d’une confrontation, il peut en référer au Procureur, auquel il reviendra d’arbitrer s’il faut maintenir sa présence ou non.
► Pourquoi la garde à vue est-elle placée sous le contrôle du Procureur de la République, qui dépend du Garde des Sceaux, et non pas sous le contrôle d’un juge indépendant ?
La loi place le contrôle de la garde à vue sous l’autorité du Procureur de la République.
Placer le contrôle de la garde à vue sous l’autorité d’un juge du siège – idéalement le juge des libertés et de la détention- posait deux problèmes de cohérence. D’abord, il est difficile d’écarter totalement le Procureur du contrôle des gardes à vue puisque c’est lui qui est responsable, in fine, de la politique pénale et donc de l’opportunité de poursuites. Ensuite, les juges du siège ne sont pas assez nombreux pour pouvoir effectuer un contrôle effectif.
De plus, la Cour européenne des droits de l’Homme estime que la garde à vue peut rester sous le contrôle du Parquet jusqu’au 4ème jour. En France, le juge des libertés intervient dès le 2ème jour. La loi respecte donc totalement la jurisprudence de la CEDH.
Enfin, le Procureur est avant tout un magistrat : il est donc garant des libertés individuelles !
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