Intervention de François CALVET auprès des étudiants de Polytech
Jeudi 5 avril dernier, François CALVET s'est rendu dans les locaux de Polytech à Tecnosud, antenne de Perpignan du département Energétique-Energies Renouvelables, afin d'intervenir auprès d'une quarantaine d'étudiants de 4ème année de l'école d'ingénieurs Polytech de l'Université Montpellier 2.
Cette rencontre avait pour but la présentation du "rôle du parlementaire". Ainsi pendant un peu plus d'une heure, François CALVET a pu dialoguer sur ce sujet et échanger sur le rôle du parlement et des parlementaires au travers du discours suivant :
"C’est un grand plaisir pour moi de me trouver devant vous pour ce que j’espère être avant tout un dialogue et un échange sur le rôle du Parlement et des parlementaires.
Je n’ai ni l’intention, ni la prétention de vous faire un cours de droit constitutionnel sur l’organisation de nos institutions, mais plutôt de vous donner quelques clés sur ce qui devient, in fine, votre quotidien.
Je voudrais d’abord vous donner quelques chiffres :
Les 577 députés et 348 sénateurs ont voté en 5 ans, lors de cette XIIIème législature, 234 lois, auxquelles s’ajoutent 2125 textes réglementaires d’application.
Il faut avoir en tête que près 80 % des mesures votées aujourd’hui sont le fait de la transposition de directives européennes ou d’adaptation de la loi française à nos obligations européennes.
Sur les 234 lois, la très grande majorité est issue de projets de lois, qui sont des textes proposés par le Gouvernement.
Mais depuis la révision constitutionnelle du 21 juillet 2008, l’ordre du jour laisse une part non négligeable aux propositions de lois d’origine parlementaires. Et ce sont 89 lois qui sont issus d’initiatives parlementaires.
Je prendrai comme exemples 2 propositions de lois sénatoriales et qui sont devenues des lois récentes; Dernièrement, une proposition du Sénat relative à l’établissement d’un contrôle des armes modernes est devenue la loi du 8 décembre 2011 ;
Ou dernièrement une nouvelle loi sur la chasse du 7 mars 2012.
Le droit d’initiative parlementaire c’est aussi celui d’amender les textes proposés par le Gouvernement.
En 5 ans, environ 70 000 amendements déposés par les députés pour environ 11 000 adoptés. Le Sénat ne doit pas être très loin en termes de statistiques, même si nous n’avons pas encore les chiffres consolidés.
Ce droit d’initiative parlementaire se déroule essentiellement dans les commissions permanentes et non, comme on le croit trop souvent dans l’hémicycle. Lorsqu’un texte arrive dans l’hémicycle, il est quasiment bouclé et l’essentiel des discussions de fond sur les textes se déroulent en commission.
Vous avez 8 commissions permanentes au Sénat comme à l’Assemblée, chacune avec ses spécialités :
- les affaires culturelles,
- les affaires sociales,
- la commission des affaires économiques à laquelle j’appartiens au Sénat,
- celle du développement durable qui vient d’être crée au Sénat à l’issue du renouvellement,
- les affaires étrangères,
- la commission de la défense,
- la commission des lois à laquelle j’ai appartenu à l’Assemblée
- la commission des finances qui, pour la première fois depuis le début de la Vème République, est confiée à un député socialiste Jérôme Cahuzac et depuis le changement de majorité au Sénat à Philippe Marini sénateur UMP.
La commission des finances a un rôle stratégique dans le vote et le contrôle du budget et le confier à un membre de l’opposition n’est pas neutre. Cela témoigne du rôle accru que le Président de la République a souhaité donner au Parlement.
A côté du rôle de législateur, le Parlement a un rôle de contrôle important, même si nous avons du mal à le mettre en valeur sauf sur des sujets emblématiques.
J’ai par exemple été membre de la commission d’enquête de l’Assemblée nationale suite à l’affaire d’Outreau. C’est l’expérience à la fois la plus difficile de mes mandats parlementaires, mais aussi la plus enrichissante.
DEVELOPPER
Au-delà des commissions d’enquêtes qui sont très formelles et qui nous donnent de véritables pouvoirs d’enquête et de police, nous avons recours aux missions d’information.
Autre moment de contrôle que vous connaissez très certainement, les séances des questions au Gouvernement qui se déroulent les mardi, mercredi et jeudi au Sénat.
Elles relèvent parfois plus du théâtre que du contrôle, mais c’est un moment d’expression politique et démocratique fort, que tous les ministres redoutent.
Enfin, les parlementaires ont un rôle de représentation des français.
Ils siègent, en fonction de leurs centres d’intérêts ou des problèmes rencontrés dans leur circonscription pour les députés ou leur département pour les sénateurs dans des groupes d’études.
Je suis membre de plusieurs groupes d’études : celui sur le littoral et la mer, celui sur le développement économique de la montagne, celui sur le patrimoine, celui sur la chasse et la pêche et enfin je suis membre du groupe d’études sur les media et les nouvelles technologies.
Je participe également aux travaux de la délégation à la prospective qui réfléchit aussi bien au développement de l’e-consommation que sur les villes du futur.
Les parlementaires représentent également la France au sein de groupes d’amitié internationaux qui conduisent à des déplacements officiels et à des rencontres avec les autorités d’autres pays.
Je fais partie des groupes d’amitié France Andorre, France Italie, France Finlande et du groupe d’amitié du Saint-Siège.
Je profite de ma fonction récente de sénateur, puisque j’ai été élu fin septembre 2011, et de mon expérience récente de député, j’ai fait 2 mandats, pour vous exprimer les différences entre ces deux fonctions.
La première différence d’où découlent toutes les autres est celle du mode de scrutin.
Nombreux sont ceux qui fustigent les élus aujourd’hui, mais pour avoir mené depuis 1989, ONZE campagnes électorales, je vous promets que mener campagne est en soi un vrai sacerdoce, nécessite un engagement très fort y compris familial, et une santé à toute épreuve. C’est pour cela qu’il y a finalement peu de candidats et encore moins d’élus.
J’ai d’abord concouru à 4 élections législatives en 1993, en 1997, en 2002 et en 2007. J’ai gagné en 1993, en 2002 et 2007, mais j’ai perdu en 1997.
L’élection législative est un moment très difficile, si vous n’avez pas de circonscription acquise, où vous devez à la fois être à l’écoute, avant l’élection mais aussi après, accepter la critique, et être tout terrain sur les multiples sujets qui se posent à vous.
Cette élection au suffrage universel a des conséquences sur le fonctionnement de l’Assemblée, qui est une enceinte très réactive à l’humeur du temps, très sensible à l’instant, toujours à l’affût de la petite phrase qui va intéresser les medias. Les medias sont très présents à l’Assemblée, beaucoup moins au Sénat. Les débats peuvent vite tourner au règlement de compte politique, ce qui n’est pas le cas non plus au Sénat, même aujourd’hui.
Une élection législative c’est avant tout la rencontre avec des gens, une confrontation aux questionnements de la société à un moment donné. L’équation personnelle du candidat joue un peu, mais quel que soit la hauteur de son engagement, l’élection législative est avant tout le reflet d’un résultat national.
Le député est exposé aux mêmes soubresauts de la société et de l’air du temps médiatique. L’exposition est forte et l’attente des citoyens aussi.
Mais on oublie souvent, qu’au-delà des dorures des palais de la République, la vie quotidienne d’un député est celle des permanences qui se transforment en bureau des plaintes, des agendas qui se bousculent et des nombreux moments de représentation entre deux réunions de travail.
La fonction de sénateur est différente, essentiellement en raison de son mode de scrutin indirect et de la déconnexion de l’élection sénatoriale par rapport à l’échéance présidentielle.
En effet, depuis l’instauration du mandat présidentielle de 5 ans, il est désormais acquis que l’élection législative suivra toujours l’élection présidentielle, sauf à ce qu’une dissolution soit prononcée. Mais depuis la dissolution ratée de 1997, je doute que la prochaine soit pour demain !
Le Sénat, au contraire, est renouvelé par 1/3 tous les 3 ans et le corps électoral est constitué d’élus locaux et de quelques grands électeurs désignés par les maires. Pour le département des Pyrénées-Orientales ce sont 1105 grands électeurs qui élisent 2 sénateurs.
La campagne électorale est une campagne solitaire pour les candidats, qui se déroule sans médias et très difficile à appréhender car, au fond, tous les coups sont permis.
L’élection se déroule au Palais de Justice et entre les deux tours, c’est-à-dire pendant l’heure du déjeuner, tous les revirements sont possibles.
C’est finalement la campagne la plus stressante que j’ai connu.
En revanche, une fois élu, l’ambiance entre élus est bien meilleure au Sénat qu’à l’Assemblée nationale.
Le Sénat représente avant tout les collectivités locales et il est plus facile s’occuper des dossiers de quelques centaines de maires que de la population. Les dossiers des maires sont ceux de l’aménagement du territoire, du développement urbain, social ou économique, des projets structurants qui sont toujours intéressants.
Ce mode de scrutin indirect, et l’absence de corrélation avec des élections nationales conduit à un double phénomène :
- La parole au Sénat est beaucoup plus libre qu’à l’Assemblée car les conséquences politiques des prises de position des uns et des autres sont bien moindres qu’à l’Assemblée. On ne le sait pas mais un vrai vent de liberté intellectuelle et de parole souffle au Sénat ;
- Le clivage Droite Gauche est aussi bien moindre. Certes cela a un peu changé depuis le renouvellement de septembre où le Sénat est passé à gauche pour la première fois depuis la Vème République parce que le Parti Socialiste veut faire du Sénat une tribune durant ces mois de campagne électorale.
Mais cela ne durera probablement pas et la nouvelle majorité a consenti de nombreux postes à l’opposition. Cela témoigne du climat apaisé qui règne dans la Haute Assemblée.
Pour résumer, je dirai que le Sénat est la chambre du consensus, peu perméable aux lobbies, et qui s’est toujours senti libre vis-à-vis de tous les Gouvernements.
D’autre part pour des questions de procédure, le Sénat dispose de plus de temps pour examiner les textes.
En effet, les projets de loi sont quasiment toujours déposés en première lecture sur le bureau de l’Assemblée, puis le Sénat est saisi à l’issue de cette première lecture.
Cela laisse plus de temps aux sénateurs pour travailler les textes et il est de notoriété publique que le Sénat rattrape de nombreuses approximations votées par l’Assemblée nationale. Les rapports du Sénat sont toujours de très grande qualité.
J’ajouterai que le mode d’élection sénatorial a très souvent conduit le Sénat, même dans la majorité, à s’opposer au Gouvernement et à proposer des solutions alternatives.
Les Commissions Mixtes Paritaires composées de 7 sénateurs et 7 députés et qui sont chargées de trouver un texte commun aux 2 chambres tournaient également très souvent à l’avantage des positions des sénateurs.
Je m’exprime au passé, car un Sénat à gauche, en période de campagne électorale, ne permet plus ce dialogue constructif entre les 2 chambres au sein des CMP.
Malgré cette liberté, le poids du Sénat atteint ses limites à la fois politique et au plan de la procédure, puisque l’Assemblée nationale, à défaut d’accord de la CMP, aura toujours le dernier mot sur les textes législatifs.
Voici, en quelques traits brossé le paysage parlementaire, et c’est avec plaisir que je répondrai à vos questions.
Je vous remercie."
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