Intervention de François CALVET sur la proposition de loi grantissant le droit au repos dominical
Mercredi 16 novembre dernier, le Sénat a débuté l'examen de la proposition de loi de Madame Annie DAVID (CRC), présidente de la commission des affaires sociales, et plusieurs de ses collègues, visant à garantir le droit au repos dominical.
Les débats ont commencé à 14h30 et se sont achevés par une fin de séance à 19h ne laissant pas la possibilité à François CALVET, Sénateur des Pyrénées-Orientales, d'intervenir en ces termes sur l'article 1er de la dite proposition de loi :
"Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Monsieur le Rapporteur,
Chers Collègues,
Permettez-moi tout d’abord de trouver quelque peu étrange que cet article premier qui propose de renforcer la portée symbolique du repos dominical, émane d’une initiative de nos collègues communistes.
En effet, je rappelle que le mot dimanche signifie en latin ecclésiastique « jour du Seigneur » (dies dominicus) et qu’il fait référence aux premiers chrétiens qui se réunissaient ce jour là en assemblée liturgique.
Lorsque l’on se remémore les rapports entre l’église chrétienne et le parti communiste, cela peut que nous faire sourire. A moins que cela confirme ce que certains avaient déjà remarqué : le goût des partis communistes du monde entier pour les dogmes et les célébrations liturgiques. Vous auriez pu proposer que « le jour du seigneur » soit rebaptisé, sans jeu de mot, jour de l’humanité…
De fait, le jour de repos n’a pas toujours été dominical dans notre histoire et ce n’est qu’en 1906 qu’il s’est imposé.
Je m’interroge vraiment sur les raisons qui motivent cette volonté de la majorité sénatoriale de refuser toute évolution du jour de repos hebdomadaire et de vouloir absolument maintenir en 2011 le repos dominical.
Si le dimanche conserve un caractère religieux et familial, force est de constater que ce principe a toujours souffert de nombreuses dérogations. La plupart des agriculteurs ont de tout temps travaillé le dimanche, de même que les activités de divertissement touristiques ou les services publics indispensables comme les hôpitaux.
Dans les départements touristiques et frontaliers comme celui des Pyrénées Orientales, les restrictions à l’ouverture des commerces le dimanche ont longtemps été vécues comme une difficulté et une discrimination face à la concurrence espagnole toute proche et très attractive.
Dans la Principauté d’Andorre, dont les co-princes sont le Président de la République française et l’Evêque de la Seu d’Urgell la question du travail le dimanche est un non-sujet. L’Andorre est à une heure de route de Perpignan et les rues de la Principauté sont noires de monde, en particulier le dimanche.
Il en est de même pour le premier centre commercial espagnol qui se trouve à 20 minutes en voiture de Perpignan. Je peux vous assurer que nombreux sont ceux qui se rendent à La Jonquere pour faire leurs achats le dimanche.
A ma connaissance, le mouvement des indignés espagnol ne revendique pas de ne pas travailler le dimanche, mais de travailler…. Et pour un salaire qui leur permette de vivre.
Je comprends la volonté réaffirmée d’apprécier le volontariat des salariés pour travailler le dimanche.
Je suis néanmoins convaincu que le combat est désormais ailleurs. C’est le combat de l’emploi et pas celui de savoir si le dimanche doit être sacralisé ou non.
Dans la grande distribution que vous évoquez largement dans cette proposition de loi, les emplois de caissiers sont peu à peu remplacés par des caisses automatiques.
Bientôt la situation sera la même que sur les autoroutes où les guichets automatiques ont remplacé les agents que nous connaissions. Dans un silence assourdissant et malgré des résultats nets d’exploitations et des marges extrêmement importantes des sociétés d’autoroutes, qui sont très supérieures aux performances de la grande distribution, les emplois de guichetiers n’existent quasiment plus.
Un concessionnaire autoroutier met en avant dans son communiqué de presse des résultats au 30 septembre 2011 que 83,8 % des transactions ont été automatiques contre 76 % en 2010. Il explique que 131 gares sont désormais téléexploitées sur les 150 de son réseau. Avec un résultat net en progression de 20 % en 2010 ce ne sont pas les difficultés financières qui guettent ces sociétés et qui justifient les suppressions d’emplois.
Sur les autoroutes, la question du travail du dimanche ne se pose plus puisque les emplois n’existent plus.
Je ne souhaite pas que la cristallisation du débat sur l’ouverture le dimanche, donne un prétexte à la grande distribution pour accélérer le mouvement de l’automatisation des caisses comme nous le voyons déjà en Ile-de-France.
Alors je propose, plutôt que de revenir sur un combat dépassé par la concurrence européenne ou l’explosion du commerce en ligne, que l’on incite les entreprises de la distribution à préserver l’emploi et donc leur chiffre d’affaires, plutôt que de passer à l’automatisation systématique.
Vouloir revenir sur le travail le dimanche est une proposition de riche et je ne pense pas que la France en ait les moyens. En tout cas un département comme le mien qui vit directement en concurrence avec un grand pays comme l’Espagne qui compte près de 5 millions de chômeurs et dont le taux de chômage de 22 % est le plus élevé de la zone Euro, ne peut revenir aux procédures sans fin qui entourait le régime des dérogations d’ouverture le dimanche.
Pour ces raisons, il ne me paraît pas pertinent de voter cet article premier."
L'examen de ce texte se poursuivra vendredi 9 décembre au Sénat à partir de 9h30.
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